Maurizio
Makovec a publié un livre fort intéressant sur la fortune
littéraire de Céline en Italie (Maurizio Makovec, Céline
in Italia. Traduzioni e interpretazioni,
Edizioni Settimo Sigillo, Roma 2005, pp.240).
Cet
essai, précédé par un éclairant avant-propos d’Alain de
Benoist, est divisé en deux parties: la première est dédiée à la
critique et aux interprétations de Céline dans la culture
italienne, la deuxième partie fait la revue des traductions
italiennes des œuvres de Céline. La critique italienne s’aperçoit
bientôt du phénomène Céline et déjà en 1933, à un an de la
publication du Voyage
au bout de la nuit,
on lit dans les revues italiennes les premières considérations à
l’égard de cet auteur, quoique parfois superficielles et
trompeuses (Guglielmo Serafini voit dans le roman une "littérature
de propagande prolétaire"!). Avec plus de finesse, d’autres
critiques voient dans le Voyage
une puissante description de la condition exaspérée de l’homme
moderne et, de toute façon, le donné important est que Céline dans
les années ’30 est lu par des auteurs qui seront décisifs dans la
littérature italienne du XXe siècle: Bigongiari, Luzi, Betocchi,
Bonsanti.
Dans
l’après-guerre il n’y a pas d’interventions significatives sur
le sujet jusqu’à 1964, lorsque paraît Mort
à crédit,
traduit par le poète Giorgio Caproni, avec une préface du
prestigieux critique Carlo Bo. Le livre, introduit en Italie par deux
noms influents connaît un bon succès et conséquemment les éditeurs
italiens publient d’autre titres, qui rencontrent l’intérêt de
plusiers intellectuels: Guido Ceronetti, Giovanni Giudici, Giovanni
Raboni. En 1981 paraît la traduction de Bagatelles
pour un massacre,
par Giancarlo Pontiggia. La publication du célèbre pamphlet
antisémite déchaîne, ça va sans dire, beaucoup de polémiques. La
culture de gauche élève ses lamentations rituelles parmi lesquelles
se signale celle de Bianca Maria Frabbotta, qui affirme: «le très
fameux protagoniste du Voyage
est la couille qui écrit Bagatelles, et si quelque chose a changé
c’est seulement le rapport entre auteur et protagoniste». Mais des
critiques plus intelligents saisissent la force de l’œuvre qui se
caractérise pour une véhémence littéraire exceptionnelle et pour
la fondamental valeur de témoignage historique. Makovec affirme que
l’autre pamphlet antisémite L’école
des cadavres
n’a jamais été traduit en italien, mais on doit relever une
imprécision, en fait il existe une traduction qui maintenant est
hors commerce: Céline, La
Scuola dei cadaveri,
Soleil, S. Lucia di Piave, 1997.
De
grande importance est la traduction du Voyage
par Ernesto Ferrero (1992). Cette version, fort appréciée par les
lecteurs, consacre définitivement Céline pour le grand public.
Dans
la seconde partie de son essai Makovec compare les traductions
italiennes de Céline, auteur qui emploie un langage tout à fait
particulier et qui utilise souvent l’argot.
C’est un travail très problématique la traduction de Céline, et
son particulier usage de la langue avec le poignant lyrisme qui le
caractérise a attiré l’attention des poètes surtout. Selon
Makovec les meilleurs traducteurs de Céline sont Ernesto Ferrero,
Giorgio Caproni, Giovanni Raboni, Gianni Celati, Giuseppe Guglielmi.
Mais
le goût change et le langage animé de Céline aurait besoin de
mises à jour périodiques. Souvent les traducteurs utilisent des
mots des dialectes italiens pour traduire l’argot,
mais beaucoup d’eux sont originaires du nord de l’Italie, et
pourtant certains mots ne sont pas connus par tout le public italien.
Makovec
confronte des morceaux dans deux traductions diverses et met en
évidence des frappants différences entre traductions "laides
mais fidèles
"
et traductions "belles mais infidèles".
Dans
l’ensemble le livre de Makovec est un bon point de réfère pour
approfondir la connaissance d’un auteur extraordinaire et
controversé qui a été toutefois l’un des plus grands voyants du
XXe siècle.
Tiré
du livre numérique:
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